Retour sur le site www.ericleseney.com
En 1965, Roger Colas communique à son fils Alain qui étudie l’anglais en Sorbonne, une annonce parue dans le journal Le Monde par laquelle l'université de Sydney cherche un "lecturer", un maître de conférences et non un simple lecteur comme feint de le comprendre Alain qui postule aussitôt.
Malgré une réponse négative, Alain prépare son départ, se déclare immigrant et s'embarque, en janvier 1966, sur un cargo pour l'Australie. Pendant les deux mois du voyage, il écrit constamment aux dirigeants des universités en donnant comme adresse les postes restantes de Suez, de Port Saïd ou des autres escales. Si, au début, le ton des réponses est plutôt liminaire et dissuasif, au fil du voyage, les responsables de l’Université de Sydney s’intéressent de plus en plus à cet aventurier dans l’âme qui correspond si bien aux valeurs australiennes : tenace, décidé et volontaire.
Le ton des courriers change, on l’appelle désormais «Mon cher Alain» et il est finalement attendu par une délégation officielle à son arrivée. Après un entretien en guise d’examen de passage, la faculté des Lettres de Sydney recrute ce jeune homme dynamique, séduisant et persuasif qui devient, à vingt-deux ans, maître de conférences au St-John’s College pour enseigner la littérature française.
« L’Australie, Far West des temps modernes m’accordait ma chance » commentera-t-il plus tard dans un de ses livres.
Alain Colas aime écrire. Il enverra, durant toute son épopée, de longues lettres à sa famille, sachant qu’il peut compter sur ce port d’attache vital et essentiel. Ses courriers sont aujourd’hui encore préservés et retracent en partie sa trajectoire, comme les deux livres dont il est l’auteur : «Cap Horn pour un homme seul» et «Tour du monde pour une victoire».
Alain Colas, fort de son expérience de pigiste, est aussi l’un des pionniers du mailing puisqu’il envoie en permanence aux rédactions sportives des informations sur ses projets et activités. A ses débuts, à la rédaction de L’Equipe, on constate un jour que tout le monde connaît Alain Colas mais que personne ne l’a jamais vu physiquement !
C’est dans la baie de Sydney, ville cosmopolite et ouverte qui vit les pieds dans l’eau et où il est d’emblée invité dans les soirées les plus huppées que l’enfant de Clamecy va découvrir la voile. Au retour de sa première sortie en bateau, il se précipite à la bibliothèque de l’université pour emprunter tous les ouvrages ayant trait à la mer.
C’est ainsi qu’il découvre Eric Tabarly et le récit de sa Transat victorieuse en 1964 et qu’il fait ses premiers noeuds marins sur un coin de table avec un bout de cordage emprunté à un ami.
«Au bout de quelques nuits passées à dévorer tous ces livres, témoigne-t-il, je connaissais la manoeuvre d’un spinnaker sans jamais en avoir vu un seul !»
Episode 1
UN JOUR MANUREVA...
Victoire sur l'océan Transat 72
"UN JOUR... MANUREVA" le film, c'est un entretien entre Jean-François Colas et le réalisateur Eric Le Seney, enregistré le 16 novembre 2018, 40 ans après la disparition d'Alain lors de l'inauguration du studio Alain Colas, à Clamecy. "Jeff" revient sur la carrière de son frère et apporte des explications souvent inédites sur les évènements .
Découvrez, à chaque page du site, illustré par des archives du fonds de la famille Colas, un épisode du parcours d'un homme exceptionnel.
Fin décembre 1967, Eric Tabarly dispute la course Sydney-Hobart sur Pen Duick III. Alain est aussi de cette course comme équipier mais sur un autre navire, un cotre néo-zélandais de 19 mètres. A l’arrivée, Tabarly qui veut poursuivre par une croisière de 1600 miles vers la Nouvelle Calédonie propose à Alain d’embarquer à son bord en tant que cuisinier. «La cause fut vite entendue, commentera ce dernier plus tard, le 12 janvier 1968, je pose mon sac à bord de Pen Duick III, ému comme un gosse au soir de Noël».
Après avoir perdu leurs voiles et dérivé vers un récif coralien, ils sortent indemnes, en compagnie d’Olivier de Kersauson, fidèle équipier de Tabarly, du terrible cyclone tropical Brenda alors qu’ils avaient été annoncés disparus pendant plusieurs jours. Alain note dans son journal : «Nous, les équipiers, nous savions bien qu’avec tout autre bateau ou tout autre capitaine, nous y aurions laissé des plumes. Nous avons en nous pour toujours le film de ces heures intenses où il fallut se battre, où il n’y avait même pas le temps d’avoir peur».
L’appel du grand large est désormais plus fort qu’un destin universitaire australien trop évident. En 1968, Alain Colas, de retour en France pour compléter ses diplômes, rejoint Tabarly à Lorient qui prépare, pour la prochaine Transat en solitaire, Pen Duick IV, un multicoque expérimental géant, structure arachnéenne de 20,50m de long sur 10,60 de large conçue par l'architecte français André Allègre. Du jamais vu !
Au fil des préparatifs et des essais, sur ce trimaran hors normes, Alain vibre d’une intense émotion, subjugué par un véritable coup de foudre : «J’assistai au départ le coeur battant. A force de baigner dans pareille ambiance, j’avais été gagné par la fièvre moi aussi et j’aurai donné tout au monde pour être de ceux-là qui cinglaient vers l’Amérique !» Le début d’une liaison passionnée avec un voilier de légende que le destin rendra éternelle. Tabarly abandonne la Transat suite à une collision et propose en fin de saison de course à Alain un périple vers la Californie et Tahiti. Alain accepte, rend sa toge universitaire et largue définitivement ses amarres australiennes : «Le Pacifique à la voile à l’époque des supersoniques, c’était encore le domaine du rêve, de ces rêves auxquels mon père m’avait permis de croire...»
Durant la saison de course 1968-1969, il apprend le métier de marin de course au large et devient, comme son co-équipier Olivier de Kersauson, journaliste pigiste pour mieux vivre sa passion. Alain s’occupe des textes, Olivier des photos. Ils sont les exégètes officiels et exclusifs d’Eric Tabarly et tous les deux rêvent, connaissant les fabuleuses prouesses de Pen Duick IV, un bateau taillé pour battre tous les records, d’être un jour le seul maître à bord.
1970. Tabarly a des problèmes financiers. A Honolulu, il affiche une petite pancarte en contreplaqué sur le mât du trimaran le plus célèbre du monde : «For Sale», «A vendre». Alain fonce sans se poser de questions et signe un contrat draconien avec Tabarly qui stipule l’obligation de remboursement et de retour du bateau en cas d’échéance impayée. «J’aimais prendre mes rêves pour des réalités, explique t-il dans un de ses livres, et l'on n’épouse que les femmes que l’on demande en mariage !
Entre Pen Duick IV et moi, j’avais tout de suite senti que ce ne pouvait être que l’accord parfait... Pour l’heure l’accord coûtait cependant 225 000 francs. Je n’avais plus qu’à me lancer !»
Il casse sa tirelire australienne pour payer son premier versement, négocie un emprunt bancaire et enchaîne les reportages de presse sur la Polynésie, ses fleurs, ses perles, ses vahinés ou sur l’ilôt inhospitalier de Pitcairn, perdu dans le pacifique sud, sur les traces des descendants des célèbres révoltés de la Bounty.
En multipliant les piges et avec l’aide de sa famille, Alain Colas gagne son pari et devient pleinement propriétaire de Pen Duick IV avec pour ferme intention de l’aligner dans la prochaine Transatlantique en solitaire de 1972. Il rencontre, à Tahiti, au cours d’un reportage, sa compagne, Teura Krauze, avec laquelle il aura 3 enfants, Vaïmiti, Torea et Tereva. Après plusieurs galops d’essai pour tester le bateau, il réalise un demi-tour du monde, de la Polynésie à la métropole, avec le seul objectif d’être prêt sur la ligne de départ. En France, Philippe Gildas est le premier journaliste à croire en ses chances de victoires et lui consacre des reportages marquants que conserve précieusement l’Institut National de l’Audiovisuel qui a fait sur le sujet, un remarquable travail de préservation en veillant aux aspects juridiques. Euroscope, la société de Philippe Gildas va produire ensuite pratiquement tous les films associés aux exploits du navigateur.
En juin 1972, Alain Colas remporte la 5ème Transat anglaise reliant Plymouth à Newport et pulvérise le record de l’épreuve détenu par une autre légende de la voile, Sir Francis Chichester.
Son premier club loin de la Méditerranée
Avant le Club Méditerranée, le premier club créé par Alain Colas, c’est le club de canoë-kayak clamecycois qui porte aujourd’hui son nom. Parmi les membres actuels qui ont accepté avec beaucoup de gentillesse de se prêter au tournage du film «Alain Colas, rêves d’océan», il y en a un qui était particulièrement heureux. Le président du club de l'époque, Daniel Dacunha, a ce jour-là permis à Lucas de réaliser son rêve : pagayer sur le canoë personnel d’Alain Colas, une pièce unique que le club préserve avec respect depuis 50 ans.
Les photos d'Alain Colas devant la grange du Club de Canoé Kayak de Clamecy
Michèle Gadeski Delaigue • 1964
Autres photos : fonds d'archives Famille Colas
Cette partie du site www.ericleseney.com dédié à Alain Colas a été créé et écrit par Eric Le Seney et mis en page par Stéphanie Wulle.
Textes et vidéos ©Eric Le Seney Sewels production Photos Alain Colas et archives vidéos ©Famille Colas Film "Alain Colas, rêves d'océan" a été coproduit par injam Productions et l'INA
Tous droits d’utilisation ou de reproduction interdits sans autorisation.
Conformément aux articles 39 et suivants de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée en 2004 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés,
vous pouvez obtenir la communication et, le cas échéant, la rectification ou la suppression des informations vous concernant en nous écrivant à l’adresse : sewels@orange.fr